La solidarité à la source pour le RSA et la prime d’activité a été déployée dans toute la France depuis le 11 juin 2025. Cette réforme majeure vise à simplifier les démarches administratives des allocataires en pré-remplissant automatiquement leurs déclarations trimestrielles. Après trois mois d’application généralisée, une enquête menée par la plateforme Mes-Allocs.fr auprès de 15 000 personnes permet de tirer un premier bilan de ce dispositif. Les résultats révèlent des avancées significatives mais aussi des défis persistants.
Impact du pré-remplissage des déclarations sur les bénéficiaires d’aides sociales
Le système de solidarité à la source a transformé radicalement la procédure déclarative pour les 6 millions de bénéficiaires du RSA et de la prime d’activité. Les allocataires n’ont désormais plus besoin de saisir manuellement leurs revenus principaux, qui sont automatiquement intégrés dans leur déclaration trimestrielle. L’enquête de Mes-Allocs.fr montre que cette simplification a généré un gain de temps appréciable pour 61% des allocataires interrogés, estimé entre 5 et 15 minutes par trimestre.
Cette innovation technique récupère directement les montants nets sociaux des salaires et revenus de remplacement auprès des employeurs et organismes sociaux. Les bénéficiaires doivent simplement vérifier ces informations, les corriger si nécessaire, ajouter d’éventuelles ressources complémentaires comme les pensions alimentaires ou revenus perçus à l’étranger, puis valider leur formulaire.
La dimension qualitative de la réforme apparaît également significative puisque 29% des répondants ont constaté une réduction des erreurs dans leurs déclarations. Joseph Terzikhan, fondateur de Mes-Allocs.fr, souligne que « cette réforme reste bénéfique pour les allocataires leur permettant de gagner un peu de temps et d’éviter les erreurs dans leurs déclarations de ressources ».
Les personnes ayant bénéficié de l’expérimentation depuis octobre 2024 dans les cinq départements tests (Alpes-Maritimes, Aube, Hérault, Pyrénées-Atlantiques et Vendée) témoignent d’une amélioration globale du processus administratif, même si certains ajustements demeurent nécessaires.
Difficultés et corrections nécessaires dans le système automatisé
Malgré les bénéfices apportés par le pré-remplissage, l’enquête révèle que 22% des allocataires ont dû modifier leur déclaration automatisée. Ces corrections concernent principalement des montants incorrects ou des ressources manquantes dans le formulaire pré-rempli. Pour près de la moitié d’entre eux (48%), ces modifications ont entraîné une variation du montant de l’aide perçue, à la hausse comme à la baisse.
Plus préoccupant encore, 19% des personnes ayant effectué des corrections ont signalé avoir reçu un trop-perçu, les plaçant dans une situation financière délicate. L’exemple de M. Briand, vendeur à domicile indépendant, illustre parfaitement cette problématique. Il explique que ses commissions « sont déclarées comme salaires sur un seul mois au lieu de 3 », ce qui a entraîné un blocage de son dossier et une réduction conséquente de ses prestations, passant « de 850 à 1000€ d’habitude » à seulement « 519€ » pour le mois de mai.
La CAF apporte néanmoins une nuance importante à ces témoignages en affirmant que dans les départements tests, « plus de 9 allocataires sur 10 qui ont corrigé leurs montants pré-remplis l’ont fait à tort ». Cette divergence d’appréciation souligne la nécessité d’un accompagnement renforcé des bénéficiaires pour optimiser l’efficacité du dispositif et limiter les erreurs d’interprétation.
Les situations professionnelles atypiques, comme les vendeurs à domicile, les auto-entrepreneurs ou les personnes cumulant plusieurs emplois, semblent particulièrement susceptibles de rencontrer des difficultés avec le système automatisé, qui peine parfois à refléter fidèlement la complexité de leurs revenus.
Sensibilisation et lutte contre le non-recours aux prestations sociales
La réforme de la solidarité à la source poursuit également l’objectif ambitieux de réduire le non-recours aux aides sociales, estimé à environ un tiers des bénéficiaires potentiels pour le RSA et la prime d’activité. Les résultats de l’enquête sont pourtant mitigés sur ce point. Si la connaissance du dispositif est relativement bonne parmi les allocataires actuels (70% pour le RSA et 77% pour la prime d’activité), elle reste insuffisante auprès des personnes éligibles mais non bénéficiaires.
Donc, 67% des personnes interrogées qui pourraient prétendre à ces aides ignorent l’existence même de la réforme. Ce déficit d’information « relativise l’efficacité de la réforme sur le non-recours au RSA et à la prime d’activité » selon Mes-Allocs.fr. Parmi les personnes éligibles mais non allocataires informées du dispositif, seulement 31% pour le RSA et 39% pour la prime d’activité estiment que cette simplification les incitera à faire valoir leurs droits.
Ces chiffres suggèrent que le pré-remplissage des déclarations, bien qu’utile, ne constitue pas à lui seul une solution suffisante pour résoudre la problématique complexe du non-recours. D’autres facteurs, comme la stigmatisation sociale, la méconnaissance des critères d’éligibilité ou la crainte des contrôles, continuent vraisemblablement de freiner l’accès aux droits pour les populations les plus fragiles.
La CAF et les pouvoirs publics devront donc intensifier leurs efforts de communication et d’accompagnement pour garantir que cette avancée technique se traduise effectivement par une amélioration de l’accès aux droits sociaux. Le déploiement de campagnes d’information ciblées vers les publics potentiellement éligibles mais non-allocataires apparaît comme une nécessité pour maximiser l’impact positif de cette réforme sur la réduction du non-recours.